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Triste nouvelle, Jean FERRAT s'est éteint ce jour.
L'impression douloureuse de perdre un ami proche, depuis quelque temps les nouvelles de sa santé étaient mauvaises, mais la discrétion et la pudeur faisaient partie du personnage et il était difficile de savoir.
Jean FERRAT est pour moi un IMMENSE artiste, mon chanteur français préféré.
Je possède l'intégrale de ses chansons, et c'est un bonheur de l'entendre chanter l'amour, les grandes causes, les artistes, et bien sur Aragon.
Ferrat était un homme de gauche, authentique, sans compromis, ni compromission, lucide sur son métier, critique et  méfiant envers les médias et la télévision, ferme quand il a décidé d'arrêter la scène, pas de retour, de come-back de tournées d'adieux interminables, non un homme vrai, sincère.
Les mots des chansons, le siens, ceux des autres qu'ils magnifaient, Aimer à perdre la raison, Ma France (Celle du vieil Hugo tonnant de son exil/Des enfants de cinq ans travaillant dans les mines/Celle qui construisit de ses mains vos usines)
Lucide aussi envers le PC (Dans la jungle ou dans le zoo, Le Bilan) et bien sur Camarade où il dénonce merveilleusement l'écrasement du printemps de Prague.
Que venez-vous faire camarade/Que venez-vous faire ici / Ce fut à cinq heures dans Prague / Que le mois d'août s'obscurcit)
Le Ferrat engagé dans un hommage à Salvador Allende (Le Bruit des Bottes)
A moins qu'ils me guillotinent / Pour avoir osé chanter / Les marins du Potemkine /
Et les camps de déportés / A moins qu'avec un hachoir / Ils me coupent les dix doigts
Pour m'apprendre la guitare / Comme ils ont fait à Jara


Ferrat c'est aussi Nuit et Brouillard et aussi le sublime LP Chante Aragon et l'hommage à Desnos

Robert le Diable
Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne
Comme un soir en dormant tu nous en fis récit
Accomplir jusqu'au bout ta propre prophétie
Là-bas où le destin de notre siècle saigne


Et la merveille des merveilles, Les Poètes où il magnifie les vers d'Aragon, celle-ci est tellement belle, tellement poignante que je la reproduis en entier
Je ne sais ce qui me possède

Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède

Celui qui chante se torture

Quels cris en moi quel animal
Je tue ou quelle créature
Au nom du bien au nom du mal
Seuls le savent ceux qui se turent

Machado dort à Collioure

Trois pas suffirent hors d'Espagne
Que le ciel pour lui se fît lourd
Il s'assit dans cette campagne
Et ferma les yeux pour toujours

Au-dessus des eaux et des plaines

Au-dessus des toits des collines
Un plain-chant monte à gorge pleine
Est-ce vers l'étoile Hölderlin
Est-ce vers l'étoile Verlaine

Marlowe il te faut la taverne

Non pour Faust mais pour y mourir
Entre les tueurs qui te cernent
De leurs poignards et de leurs rires
A la lueur d'une lanterne

Etoiles poussières de flammes

En août qui tombez sur le sol
Tout le ciel cette nuit proclame
L'hécatombe des rossignols
Mais que sait l'univers du drame

La souffrance enfante les songes

Comme une ruche ses abeilles
L'homme crie où son fer le ronge
Et sa plaie engendre un soleil
Plus beau que les anciens mensonges

Je ne sais ce qui me possède

Et me pousse à dire à voix haute
Ni pour la pitié ni pour l'aide
Ni comme on avouerait ses fautes
Ce qui m'habite et qui m'obsède


 
La Montagne bien sur, écrite bien avant qu'il ne découvre ce petit coin d'Ardèche où il s'installa et vécu longtemps.

Avec leurs mains dessus leurs têtes / Ils avaient monté des murettes
Jusqu'au sommet de la colline /Qu'importent les jours les années
Ils avaient tous l'âme bien née / Noueuse comme un pied de vigne
Les vignes elles courent dans la forêt / Le vin ne sera plus tiré
C'était une horrible piquette / Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire / S'il ne vous tournait pas la tête
Pourtant que la montagne est belle / Comment peut-on s'imaginer
En voyant un vol d'hirondelles / Que l'automne vient d'arriver ?

Alors, les hommages vont pleuvoir, même le nain inculte qui fait fonction de Président a sorti un compliment.
 
Monsieur FERRAT vous méritez mieux !
Modestement quelques souvenirs de ces longues années passées à écouter vos chansons.
Sur scène à Romilly, vous étiez grand, immense, avec ce costume et les cheveux déjà longs, sympa, signant autographes, disques, affiches avec un sourire, prenant le temps de discuter avec chacun, simplement, sans démagogie.


Tout à l'heure j'ai téléphoné à Gilbert mon ami qui a rejoint sa campagne près de Montpellier.
Gilbert était chauffeur de taxi à Paris, mais attention, c'était pas le beauf beuglant et aviné, non Gilbert chemise noire, et barbe et cheveux fournis écoutait des K7 de vous Monsieur Ferrat et aussi de Ferré et de Mouloudji.
Si un client demadait d'arrêter la musique, il stoppait son taxi et le faisait descendre !
Et ses chats se nomment Mouloud et Léo.
Et nous avons évoqué ces soirées passées à écouter vos albums, tout en refaisant le monde, un monde plus solidaire, plus intelligent, plus à gauche, un monde à la "Ferrat".
Ce soir, nous étions tristes mais aussi plein d'espoir, parce que vos chansons chantent l'espoir.

L'amour aussi.
Et merveilleusement

Tu peux m'ouvrir cent fois les bras/c'est toujours la première fois...Aimer à perdre la raison / A n'avoir que toi d'horizon... 
Et puis....
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes / N'est-ce pas un sanglot de la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste / Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve ailleurs que dans les nues Terre terre voici ses rades inconnues
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre /Que serais-je sans toi qu'un coeur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre / Que serais-je sans toi que ce balbutiement


Avec mon bel amour, celle que "j'aime à perdre la raison" nous avons souvent écouté vos paroles, s'inquiétant de votre santé, je sais qu'un jour nous irons vous saluer dans cette belle Ardèche où vous reposerez.
Monsieur Ferrat, je crois que vous êtes le seul artiste avec qui j'aurais aimé partagé, un repas, un apéro, une partie de cartes, une promenade en forêt.
Pour les Marins du Potemkine, pour les Enfants au Soleil, pour Cuba, pour Ouralou, pour le Châtaignier, pour le Chili martyrisé, pour le Chef de gare amoureux, ........Merci

Mais hélas, hélas....

Ce soir, ce soir / Après la Roue de la Fortune/ Les assassins, les assassins / Sont à la une

Tag(s) : #MUSIQUE
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