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Comme le dernier Larry Brown est génial, nous ne sommes pas trop de deux pour en parler:

Allez j'attaque
C’est le dernier livre de Larry Brown et son meilleur.

L’action de l’Usine à Lapins se déroule de nos jours à Memphis (Tennesse) la ville d’Elvis Presley.
Toujours cette galerie de portraits de gens ordinaires (enfin si on considère qu’un assassin de flics, une entraîneuse de boîte de nuit ou des truands sont des gens ordinaires) qui vivent ou survivent au gré de leurs émotions, de leurs instincts ou de leur consommation d’alcool.
Ils sont paumés, déchirés, meurtris par la vie, par la société américaine.
Pour une fois, la bière ne rafraîchit pas dans une glacière au fond d‘un vieux pick-up cahoté par les bosses d’une route chaude et poussiéreuse, mais l’action se déroule dans cette ville moyenne du Sud, ses bars louches, ses paumés, ses putes, ses marins, ses malfrats dans le froid et la neige de l’hiver sudiste.
Reflet de cette société américaine où on sort trop vite son flingue, ou quand sous l’effet du bourbon et de quelques verres de tequila/bière (avec le zeste de citron et la pincée de sel indispensables, on picole avec classe ici !), une bagarre se déclenche pour un regard trop appuyé.
Anjalee est la plus émouvante, partie de son Montana froid, pour chercher une vie meilleure tel le thème de Born to Run de Springsteen, "je me tire de cet endroit car je veux gagner", mais qui se fait happer par un voyou et inexorablement se retrouve dans ce bar miteux pour monnayer ses charmes.
Tous les personnages sont fracassés: Domino qui se complique la vie pour un cerf blessé, Athur qui ne bande plus et tente de retenir les pulsions de sa femme Helen,…
Un acte insignifiant, comme capturer un chaton ou avouer à sa copine flic la présence d’un pauvre chien malade, devient un problème. Et le pire arrive toujours, bercé par les musiques de Patty Griffin ou Léonard Cohen.
Larry Brown ne juge pas mais décrit ce petit monde, leurs rêves, leurs désirs, leurs errances sur les routes enneigées.
Et on marche à cent pour cent, les pages se dévorent, le mot fin arrive trop vite, et cette fausse fin, en trompe l’œil, nous donne envie de partir "sur la route de Memphis" chercher le bar d’Anjalee, sillonner les petites routes pour retrouver les traces du cerf, comprendre où est partie Helen, entrer dans la cage aux fauves où. Domino….
Et que demander de plus à un écrivain sinon de nous faire entrer dans son univers, et de par notre imagination d’écrire dans notre tête, dans nos rêves la suite de l’histoire ou encore mieux de partir la vivre sur place ?
Le plus triste n’est pas de finir un livre mais de savoir que c’est le dernier de l’auteur.
Mais, une histoire n’est jamais finie, elle est ce qu’en font les lecteurs….

Et je connais deux lecteurs qui, à leur façon, écriront la suite…

 Et voici les notes d’une  lectrice:  

C’est Michel qui m’a fait découvrir le gars Larry, me l’a présenté, mis entre les mains et…

Mais cela est une autre histoire...
Je tournais le dos au Nouveau Monde et brusquement il m’ouvre les bras. Comment refuser une si généreuse initiation.
Et c’est là que la magie commence, une carte et le livre, ses livres, il suffit de se servir tout est là. Les routes, les hôtels, les bars, la musique, et encore la gastronomie, les cocktails, les bières, et puis la faune et les hommes….Inespéré, tout est écrit.
Plaisir indicible de découvrir une Amérique pleine de promesses et qui finalement, après Mark Twain, Faulkner, Steinbeck a continué à vivre.
Finalement après m’être précipitée sur tous les papiers mentionnant Larry Brown, définitivement, je décidai brusquement d’en rester là.
Attendant patiemment une improbable traduction de sa biographie, je me dis que le temps est venu de réapprendre cette langue.
Car c’est à jeun et les yeux fermés qu’il faut se précipiter sur les livres de Larry Brown, vierge de toutes ces critiques qui inlassablement reprennent les mêmes mots:
-Histoires de paumés, rencontres improbables, routes sans issues, nulle part, perdants, vaincus (sic)…etc…
Je reste perplexe devant cette vision unanime et terriblement gênée finalement, car ma vision, mon sentiment, ma perception des histoires de Larry Brown n’ont rien à voir avec tout cela ou alors si peu.
Il suffit de remonter le fleuve, d’ouvrir les yeux et d’écouter. Je me laisse aller à un délicieux délire et j’entre dans l’univers de Larry Brown. J’avance sur la pointe des pieds, tout doucement, je savoure le texte, l’émerveillement est à son comble et

"-putain man ! qu’est-ce qu’il raconte hein, que cela ne finisse jamais, merde alors "

Même ce langage est léché et il ne tombe dans la vulgarité si tant est que la traduction soit fidèle, ce que je me plais à croire. Tout sonne juste.
La chaleur sèche qui ralentit la respiration, la gorge fiévreuse qu’une lampée de bière rafraîchit à l’envie, le soleil au zénith plombant une campagne immobile, aveuglée de lumière, silencieuse.
Et la terre, j’imagine une terre blonde qui s’effrite en craquant sous les doigts et libère son odeur si particulière.
Cette terre qui soupire et gémit sous les pas de ces hommes, de ces femmes, de ces bêtes à la recherche d’eux mêmes.
Mais voilà dans l’Usine à Lapins, c’est l’hiver et c’est tout ce que je peux dire car à mon sens cette histoire ne se raconte pas, ce serait faire injure à Larry Brown que de l’enfermer dans un cadre.
Son livre est écrit comme une symphonie, l’intensité dramatique va crescendo, les coups de théâtre des derniers mouvements sont explosifs.
C’est l’histoire universelle et inlassablement recommencée des hommes. Larry Brown nous en met plein la vue, jusqu’à la nausée parfois.
Confessions intimes de vies disloquées, sérail élargi des êtres qui se frôlent dans d’incomparables chassés croisés. Plusieurs récits s’imbriquent et se mêlent les uns aux autres sans jamais se rencontrer.
Et la solitude qui éclabousse ce livre, cette épouvantable solitude contre laquelle ils se brisent tous inéluctablement. Gonflés d’une innocence primale, ils se raccrochent à ce qu’ils peuvent, l’enfance, le rêve, l’alcool, l’herbe, un bon repas, l’homme, la femme, etc…et l’animal.
Ce regard de tendresse pure que Larry Brown pose sur ces bêtes est d’une indicible justesse.
Les bons et les méchants se confondent éperdus de rédemption, égarés dans des errances qu’ils ne maîtrisent plus mais où l’alternative n’existe pas.
Ils s’abusent d’amours primitives et d’absurdes défonces et reçoivent des soufflets comme on accepte une caresse.
La simplicité des dialogues, les répétitions, la dureté du langage, tout est juste.
Ils ne sont pas perdants ni vaincus, car même s’ils font le mauvais choix, qu’ils vont à contre temps, se cognent, se débattent, se noient, ils ont tous au fond du cœur, une petite lumière, une invisible lueur d’espoir.
Fugitive légèreté qui flotte imperceptiblement au fil des histoires.
Ils ne vont pas nulle part, ils suivent leur instinct. Et tout nous ramène à la vieille histoire de l’homme dont le plus grand problème est celui du choix.
Alors je lève les yeux et je dis que le grand Larry Brown, là haut, écoute sa musique en dégustant une bière glacée, sourit et nous attend pour nous raconter la suite.

Si avec tout cela, vous ne courez pas chez votre libraire favori acheter le livre, désolé on ne peut plus rien pour vous ! ! !  

 

 

Tag(s) : #MUSIQUE
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